Les documents dont on dispose pour établir l’existence de notre cité il y a 2000 ans sont très peu nombreux. Deux sortes de sources font état de l’existence de cette ville.
1. De brèves mentions apparaissent dans des documents très généraux du monde gréco-romain :
la Géographie du savant alexandrin Claude Ptolémée du IIe siècle de notre ère, source précieuse pour les noms de lieux de l’antiquité. cite “Les Vellaves dont la ville est RUESSIO” la Table de Peutinger conservée à la bibliothèque de Vienne en Autriche est la copie d’une carte itinéraire du monde antique. Elle recense les grandes routes de l’empire. Sur l’itinéraire de Lyon à Bordeaux, entre Feurs et Rodez, figure la station de REVESSIONE.
La cosmographie de l’anonyme de Ravenne (compilation d’un moine du IXe siècle abrégeant des documents du Ve siècle) mentionne la ville de RIBISION.
2. Neuf épigraphes au moins mentionnent la cité des Vellaves :
Trois pierres en réemploi, deux à Saint-Paulien et une autre dans les murs de l’église de Lavoûte sur Loire : Un fragment antique nous semble particulièrement important. Il s’agit d’un bloc d’arkose encastré dans l’angle sud-est de l’ancienne église Notre Dame du Haut Solier (actuellement maison Boyer – Ouillon) qui porte l’inscription suivante :
ETRVSCILLAE AVG CONIVG AVG N CIVITAS VELLAVOR LIBERA
Cette dédicace à Etruscilla, épouse de l’empereur Trajan Dèce (249 – 251) est une pièce essentielle pour la connaissance de l’histoire de Saint-Paulien. Elle est une preuve épigraphique indiscutable de l’existence, au IIIe siècle de notre ère, d’une cité libre, capitale du peuple des Vellaves. A cet égard, il convient de rappeler ce que Monsieur Martin de Framond nous a précisé lors de l’une de ses conférences à Saint-Paulien : le terme civitas, cité, a un sens très précis dans l’Antiquité et au Moyen-Age. La civitas est le chef-lieu, la capitale d’un peuple.
Une deuxième inscription de moindre taille est visible au numéro 63 de l’Avenue Ruessium, dans la façade orientale de la maison Demars. On y lit :
AVG M CASTRO VELLAV
Cette inscription est interprétée comme étant une dédicace de la cité des Vellaves à Julia Augusta, mère de notre Auguste et des camps, il s’agit, pense-t-on, de Julia Domna, épouse de Septime Sévère (193 – 211).
Une troisième inscription, non visible aujourd’hui, a été réemployée dans les murs de l’église de Lavoûte sur Loire : il s’agit d’une dédicace de la cité libre des Vellaves à Tranquilline, épouse de Gordien III (238 – 244)
Six bornes milliaires, sur les dix-sept retrouvées dans le Velay, portent une indication de distance en milliers de pas, associée à la ville à partir de laquelle cette distance est mesurée. Cette ville est désignée par C V , C VEL, CIVIT VEL ou encore CIVIT VELLA.
Deux de ces bornes milliaires se trouvent à Saint-Paulien :
La plus ancienne est conservée dans la collection Pomarat. C’est un fragment cylindrique de 42 cm de hauteur qui porte 3 lignes d’inscription lisible. Il s’agit d’une borne de Trajan. Elle aurait été érigée entre 98 et 101 d’après König
Borne milliaire de Sanssac
La seconde, découverte par Gaspar Chabron vers 1600, sert aujourd’hui de pilier dans un mur de clôture de la propriété Dioudonnat à Bourbouilloux. Elle est datée de 236-237. König propose de lire “l’empereur César Caïus Julius Verus Maximin, Pieux, Heureux, Auguste, grand pontife, revêtu de la puissance tribunitienne pour la troisième fois, consul, proconsul, père de la patrie, salué empereur pour la cinquième fois et Caïus Julius Verus Maximus, très noble César, ont restauré les routes et les ponts très endommagés par le temps.”
La borne milliaire de Sanssac indique une distance de 6000 pas de la Civitas Vellavorum.
L’archéologie du sol, les travaux conduits dans les années 20 par Ulysse Rouchon et ceux de Marie-Christine Pin – Carré dans les années 80 apportent des informations complémentaires qui permettent d’émettre des hypothèses et de délimiter avec une certaine précision l’emplacement qu’occupait la cité antique.
Avant la conquête de la Gaule par les Romains, des Vellaves (César les désigne ainsi) sont établis sur le plateau qui domine le château de la Rochelambert. Cet oppidum d’une douzaine d’hectares entouré par la Borne et la Gazelle est le seul oppidum gaulois qui ait été reconnu à ce jour dans le Velay (grâce notamment aux travaux d’Alain Quinqueton).
Un tout petit village gaulois existait alors à Saint-Paulien, sa superficie ne dépassait pas 500 m².
Les Vellaves étaient les clients des Arvernes auxquels ils étaient assujettis. Ils n’avaient pas de monnaie propre. Les seules monnaies qu’on ait retrouvées sur l’oppidum dit de Marcilhac sont des monnaies arvernes.
Nous connaissons grâce à Jules César quelques épisodes de la guerre des Gaules dans lesquels les Vellaves se sont trouvés impliqués :
février 52 avant J.C. :
Jules César part chez les Helviens et passe les Cévennes (certainement au col du Pal) malgré six pieds de neige. Il débouche chez les Vellaves, ordonne à ses cavaliers de s’étendre le plus loin possible et de jeter le plus de frayeur possible chez les ennemis. Il ne reste que 2 jours en ces lieux avant de rejoindre Vienne. Il confie ses troupes à Brutus et lui recommande de faire des incursions de cavalerie de tous côtés. (La guerre des Gaules, Jules César VII, 8)
juin 52 :
Vercingétorix lance les Gabales et les Vellaves contre les Helviens de la province.
A leur tour, les Helviens attaquent les Vellaves; ils sont repoussés et perdent Caïus Valérius Domnotaurus, fils de Caburus, chef de leur cité. Ils sont rejetés dans leurs oppida à l’abri de leurs remparts. (Jules César, VII, 64 et 65).
septembre 52 :
Participation d’un contingent vellave à la dernière bataille d’Alésia. Les Vellaves font partie du contingent des 35000 Arvernes prévus pour secourir Alésia.
César confond souvent les Arvernes avec les Vellaves. Il dit des Vellaves qu’ils sont depuis longtemps sous la domination des Arvernes. (Jules César, VII, 75)
octobre 52 :
Après Alésia, César fait partir Caïus Caninius Rébilus avec une légion (la Ière ou la Xe ?) pour hiverner chez les Ruthènes. La légion de Caïus Caninius Rébilus peut avoir emprunté les antiques chemins gaulois conduisant d’Alésia à Rodez à travers le pays des Vellaves. (Jules César, VII, 90)
Ce carroyage antique est aujourd’hui encore lisible sur le plan cadastral de notre commune et les irrégularités, quand elles existent, peuvent être expliquées par l’histoire. La connaissance de l’orientation du decumanus maximus de Ruessio permettrait de déterminer avec exactitude les jour et mois de la fondation de la cité.
Un gros effort d’imagination va nous permettre de reconstituer la ville au moment de son apogée vers le milieu du IIIe siècle après Jésus Christ. Elle a perdu son nom d’origine gauloise Ruessio ou Revessione (latinisé en Ruessium ou francisé en Ruessie !). Elle est devenue la « CIVITAS VELLAVORUM », c’est à dire la capitale du peuple des Vellaves, Elle rend hommage aux empereurs de Rome à travers deux dédicaces venues jusqu’à nous, l’une à l’impératrice Tranquillina, épouse de Gordien III (238 – 244), l’autre à l’impératrice Etruscilla, épouse de Trajan Dèce (249 – 251).
C’est une ville ouverte, sans remparts, qui prospère dans la paix romaine. Elle s’étale sur un terrain plat orienté vers le sud et vers l’est. Ses limites extrêmes sont, à l’est, le lavoir des Mâches, à l’ouest, « La Croix des Pères », au sud, la place Jeanne d’Arc, au nord en direction de Saint-Geneys, dans la colline, à l’ouest de la D 906. Sur la gauche d’un délaissé de route, un amphithéâtre naturel est bien visible à flanc de coteau.
C’est de Saint-Geneys que vient l’eau nécessaire à la vie de la cité. Des noms de lieux du terroir de Saint-Geneys sont très significatifs : au nord du village, sous Peyramont, on trouve “la Sagne dou Bains”, et plus bas, vers Chabatou, en bordure de la D 906, “lou Bains”. On peut raisonnablement penser que les thermes, les bains, étaient bien entendu situés dans la ville de Ruessio, mais que l’eau qui les alimentait venait de là.
L’ancien volcan Peyramont est un réservoir naturel d’où jaillissent de nombreuses sources. Autrefois, le maar de Saint-Geneys se déversait en direction du sud et non vers l’ouest comme aujourd’hui C’est la main de l’homme qui a modifié le déversoir du maar et non la nature. Il est probable qu’à l’époque, le ruisseau de Chalan restait alimenté toute l’année par l’eau qui descendait naturellement de Saint-Geneys.
1er août an XII av. J.-C.
Les représentants des 60 cités de la Gaule Chevelue sont regroupés à Lyon autour de l’autel du confluent dédié aux dieux dominateurs du monde : la ville de Rome et l’empereur Auguste – ROMAE ET AUGUSTO.
Parmi ces représentants, il y a les Vellaves.(PLINE, IV-105-9)
Les Vellaves forment désormais une cité distincte des Arvernes, libre de tout autre lien que l’attache à Rome et à César. (PLINE, IV, 109).
Sous le règne de Caracalla et après 217 :
Le nom du peuple passe à la capitale.
De même que Lutetia est devenue la cité des Parisiens ou Parisi, Ruessio est devenue la cité des Vellaves, CIVITAS VELLAVORUM ou VELLAVI et sera ainsi nommée désormais. Cette chose se produisit dans 40 cités ; Ce nom désignera désormais la capitale du peuple des Vellaves. (C.I.L. XIII, 1591 – 1592 – 1614).
Vers 257 :
Premières invasions. Une bande d’Alamans conduite par un roi du nom de Chrocus détruit le temple de Vassogalate chez les Arvernes et descend par le Gévaudan jusqu’à Arles où il est pris. Il a pu passer par le Velay, mais ce n’est pas attesté. (Grégoire de Tours)
La légende nous raconte que le Velay fut évangélisé par Saint-Georges, son premier évêque. Cette légende nous est connue grâce aux cinq vies (vitae) qui ont été écrites sur Saint-Front entre le VIIIe et le XIIIe siècle. On pourra à ce sujet consulter l’excellent ouvrage du père Pierre Pommarède sur la saga de Saint-Front.
Pour résumer: Front et Georges sont envoyés en Gaule par Saint-Pierre pour y porter les lumières de l’évangile. Après trois jours de marche, alors qu’ils viennent d’arriver près de la ville de Bolsena, en Italie, Georges tombe malade et meurt. Front reprend alors le chemin de Rome et vient se jeter aux genoux de Saint-Pierre pour lui demander un nouveau compagnon. Mais le vénérable pontife lui donne son bâton, il lui demande de retourner à Bolsena et là, de frapper le tombeau de Georges avec le bâton. Miracle ! Georges reprend vie, sort de son linceul funèbre, aux acclamations d’une foule immense et nos deux disciples continuent leur route. Georges et Front arrivent à Ruessium, la capitale du Velay, où ils font des merveilles, l’un dans la ville, l’autre dans la campagne. Cependant, Georges reste en Velay tandis que Front se rend en Périgord. Mais, avant de se séparer, ils se partagent le bâton de Saint-Pierre.
Saint-Georges
La légende est belle mais n’a que de très lointains rapports avec l’histoire, une histoire qu’en fait on connaît mal. Ce qu’on sait de façon précise c’est que sous le règne de Constantin (307 – 337), la religion chrétienne, non seulement n’est plus persécutée, mais qu’elle devient la religion officielle de l’empire romain.
Constantin réunit les évêques en concile à Arles en 314. Genialis, diacre, de Javols était présent et a signé. La présence d’un Vellave n’est pas attestée, mais on peut penser qu’à cette date, dans la cité des Vellaves comme dans la cité voisine des Gabales, l’évangélisation est en cours.
Et c’est probablement à cette époque, au début du IVe siècle, que Georges, envoyé non par Pierre, mais par l’évêque de Rome de l’époque, a commencé la christianisation du Velay en s’installant dans la ville capitale où il vécut, mourut et fut inhumé.
La pierre aux oiseaux : détail
RUESSIO devenue VELLAVI s’est installée dans la paix romaine, elle n’a pas de remparts, elle n’en a pas besoin, elle n’en aura jamais, c’est ce qui causera sa perte.
En 375, c’est l’invasion des Huns et l’entrée des Goths dans l’empire.
« Alors ce ne sera plus, comme en 276 sous Probus, ou en 355 sous Constance, les courses sauvages de quelques compagnies de brigands, mais une inondation continue aux flots toujours renouvelés. L’Empire sera recouvert par des vagues se succédant sans relâche et sans recul, par des multitudes d’hommes sans espoir ni désir de retour…
Sur cette photo aérienne, l’oppidum a été entouré d’un trait noir
A Javols en Gévaudan ou à Saint-Paulien (Ruessio) en Velay, sans doute encore têtes de cités, il n’y a plus que des débris jonchant le sol, et les quelques édifices utiles au gouvernement du terroir. Le jour n’est d’ailleurs pas éloigné où magistrats et prêtres abandonneront ce sol à demi condamné pour s’installer sur un lieu fort du voisinage, Mende à la place de Javols, Le Puy à la place de Saint-Paulien ; et la vie municipale que les empereurs romains ont jadis fait descendre de la montagne dans le bas pays, se réfugiera à nouveau sur les cimes au temps des derniers héritiers d’Auguste. » (Camille Jullian, Histoire de la Gaule).
Les derniers habitants de Ruessio se retranchent dans un réduit autour de la première église et essaient tant bien que mal de le fortifier en amassant de la terre et en dressant des barricades. Ce réduit qui donnera naissance à une motte castrale est encore bien visible sur le cadastre. Ruessio ou Vellavi perd progressivement son rôle de capitale, l’évêché est transféré au Puy en Velay qui devient la Civitas Vellavorum, Ruessio prenant alors le nom de Civitas Vetula, la cité vieille.
Ce transfert de civitas et donc d’évêché a pu avoir lieu au VIe ou VIIe siècle.
Entre 430 et 530 (date incertaine) :
Un capitaine nommé Illidius de la ville de Vellavi fut informé par une colombe d’avoir à se porter au secours de Brioude attaquée par les Burgondes. ce qu’il fit promptement ; il massacra les Burgondes et ramena dans la cité de Saint-Julien, martyr, les prisonniers qu’ils avaient faits. (Grégoire de Tours)
591 :
Un homme qui ne craignait pas de se dire le Christ, suivi de plus de 3000 individus, entra dans le Velay et se rendit au lieu qu’on appelle Anicium. Aurélius était alors évêque de ce diocèse. (Grégoire de Tours)
(C’est la première fois qu’apparaît dans un texte le nom d’Anicium qui n’est encore que locus et donc pas encore civitas).
890 :
Première mention de l’église Saint-Georges
ecclesia sancti Georgii in Vetulae praestio civitatis.
Hervé Ier, abbé de Tournus, acquiert pour son monastère, d’Armand II, fils du vicomte Armand Ier, de grands biens dans le comté de Velay avec l’église Saint-Georges, au faubourg de la vieille cité. Cet acte nous apprend aussi que la cité « neuve » n’est plus ici. (Preuves de la maison de Polignac).
940 :
Un acte du cartulaire de Brioude fait mention de la vicaria de Civitate Vetula, c’est à dire de la viguerie dont le chef-lieu est civitas vetula, la cité vieille. (Cartulaire de Brioude)
L’épitaphe à Lucius Julius fils de Lucius Bellico
Vestige lapidaire extrait en septembre 2000 aux abords de l’église Saint-Georges
La statuette d’un éphèbe en bronze découverte en 1954 dans le puits Cortial
994 :
Tenue d’un concile régional dans la cité vieille portant sur La Paix de Dieu et rassemblant les évêques suivants : Pierre de Viviers, Gui de Valence, Bégon de Clermont, Raimond de Toulouse, Deusdet de Rodez, Frédols d’Elnes, Fulcran de Lodève, Guy de Glandèves et Gui du Puy. Dagbert de Bourges et Thibaud de Vienne ont approuvé les dispositions prises. (Cartulaire de Sauxillanges).
Un petit oratoire a dû être érigé sur la tombe de Georges, puis une église. A l’aube de l’an 1000, l’habitat se déplace vers le sud autour de cette nouvelle église. La Civitas Vetula va même perdre les cendres de Georges qui seront transférées au Puy et elle prendra alors le nom de l’un de ses évangélisateurs, Paulianus, qui ne nous a laissé d’autre souvenir que celui de son nom !